L’Andra vient de communiquer sur une « actualisation » du coût du projet Cigéo : 37,5 milliards €. Un non évènement, car l’Andra annonçait déjà la somme de 35,9 milliards € fin des années 2010 (1). Une pure opération de communication donc, qui masque le vrai prix du projet industriel le plus hasardeux du siècle ?
La Coordination Stop CIGEO/BURE dénonce le chiffre annoncé par l’Andra. « Politiquement » correct et assurément loin de la réalité qui attend les générations à venir, il doit impérativement alerter la sphère décisionnelle politique au lieu de la rassurer. Une commission d’enquête indépendante ne s’imposerait-elle pas ? Avant de poursuivre sur le délirant renouveau d’un programme électronucléaire dont les déchets ne sont pas pris en compte ?
Cigéo : « vous m’en mettrez pour 25 milliards »
En 2016, la ministre de l’Ecologie et de l’Energie, Ségolène Royal fixait arbitrairement son évaluation à 25 milliards d’euros. L’Andra déclarait alors qu’elle allait faire des efforts pour optimiser et travailler dans la fourchette imposée. Et que la sûreté n’en pâtirait pas, ce dont nous doutions fortement.
Ce chiffre était une côte « diplomatique » taillée entre le coût alors revu à la baisse de l’Andra à 32,8 M€ et celui proposé par les producteurs de déchets radioactifs (EDF, Areva et le CEA) de 20 M€.
Qui aura le dernier mot si ce n’est le politique ?
Sur quels critères le coût définitif sera-t-il fixé ? Sachant par ailleurs que le mot clé 2025 est « serrons-nous la ceinture » et économies à tous les étages ?
L’Andra annonce que « l’estimation du coût de Cigéo est un travail itératif réalisé par l’Andra tout au long de l’avancement du projet. L’arrêté du coût qui sera fixé par le ministre chargé de l’Industrie et de l’Énergie en fin d’année 2025 servira de référence pour la poursuite du projet jusqu’à sa prochaine évaluation. »
Et toujours des questions, qui coûtent cher :
– Si le coût global a été « optimisé » de 3,8 milliards par rapport à 2016, on attend la fin de l’instruction du dossier DAC (autorisation de création). D’ores et déjà, de nombreuses incertitudes pèsent sur la conception globale de Cigéo, sa faisabilité, sur l’inventaire des déchets concernés, sur l’impact de l’allongement de certaines galeries et des alvéoles, sur la sûreté post-fermeture, sur la production d’hydrogène explosif, sur les opérations de jouvence, etc. Le prix annoncé table sur un projet idéalisé, quid de l’impact de toutes ces inconnues ?
– Dans son dossier de presse (2), l’Andra présente les coûts correspondant au stockage des déchets bitumés en l’état. Que comportent ces coûts, on aimerait avoir le détail.
A savoir qu’un 1/4 des déchets MVAL, sortis pour le moment de la demande d’autorisation de création de Cigéo à cause de leur inflammabilité, restent un problème. Le programme Babylone (3) en cours sur ce sujet ne rendrait ses conclusions qu’en 2027 au lieu de 2025, ce que déplore la CNE (Commission nationale d’évaluation) fin 2024.
– Impacts réels du changement climatique : quel organisme au monde peut-il aujourd’hui s’engager sur un projet industriel d’un siècle et demi ? Raréfaction de la ressource en eau, changement des courants océaniques, aléas climatiques majeurs ne sont pas quantifiables, face à l’inconnu qui s’annonce. Et qui peut prédire aujourd’hui la disponibilité et le prix des énormes volumes de matériaux nécessaires à la construction de Cigéo ?
– Enfin, une sérieuse inconnue demeure : quel coût d’un accident de chantier, d’une explosion dans un alvéole, ou autre scénario catastrophe encore non imaginé. L’accident survenu dans le centre d’enfouissement de déchets nucléaires militaires du WIPP (USA) en 2014 s’est soldé par une facture de plus de 2 milliards d’euros, au bout de 15 ans de fonctionnement. La réversibilité, promise mais impossible à mettre en oeuvre, n’a pas fonctionné, les autres colis stockés et susceptibles d’exploser sont restés dans leurs galeries.
Le coût de la récupérabilité d’un colis accidenté dans Cigéo ? Inestimable et pas vraiment prévu !
Encore un fois, les générations futures ne nous diront pas merci. Et une chose est certaine, le prix à payer sera sans doute revu à la hausse, à charge pour elles de payer pour nos errements actuels.
——————-
1 / L’Andra donne une fourchette « entre 26,1 et 37,5 milliards d’euros » qui n’a pas beaucoup évolué finalement. Pour rappel :
- en 2003 : entre 13,5 et 16,5 milliards d’euros.
- en 2009 : 35,9 milliards d’euros
- en 2014, la Cour des comptes avance le chiffre de 28 milliards d’euros (hors fiscalité et assurance, qui font bondir le coût à 41 milliards d’euros)
- en 2014, l’Andra l’estime à 34,4 ou 34,5 milliards d’euros
- en 2016, EDF, AREVA et le CEA l’estiment à 20 milliards d’euros.
2 / https://www.andra.fr/cigeo-remise-du-rapport-actualise-sur-le-cout-du-projet-letat
3 / PROGRAMME BABYLONE : Pour répondre aux demandes exprimées par l’Autorité de sûreté nucléaire et l’Autorité de sûreté nucléaire de défense, l’Andra, le CEA, EDF et Orano ont lancé en octobre 2020 un programme de R&D quadripartite d’une durée initialement prévue de 5ans. L’objectif de ce programme, nommé Babylone, qui reprend l’ensemble des recommandations de la revue internationale conduite en 2018 et 2019 sur la suggestion de la Commission, est d’apporter les éléments de connaissance et de démonstration nécessaires au stockage des colis de déchets bitumés dans Cigéo, si possible en l’état, avec une conception des alvéoles destinés aux déchets bitumés la plus standard possible. https://www.cne2.fr/wp-content/uploads/2024/11/Rapport-18-version-finale_web.pdf